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Réponses à la lettre ouverte du 6 octobre

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La lettre ouverte de deux membres de l’Association science et bien commun, appuyée par près de 90 chercheurs et doctorants, a obligé le scientifique en chef à prendre position publiquement sur la nécessité de soutenir la recherche libre et non ciblée, comme le montre le titre de l’article du Devoir qui rend compte de son passage à un événement organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Dans une entrevue à La Presse, il indique tout de même que, s’il souhaite maintenir le niveau de la recherche publique, il souhaite doubler les partenariats avec l’industrie. Toutefois, il ne dit rien sur la manière d’encadrer les inévitables conflits d’intérêts et distorsions des points de vue qui s’ensuivront.

Parmi les commentaires de notre lettre ouverte dans Le Devoir, nous avons retenu les deux suivants qui semblent avoir particulièrement bien capté l’esprit de notre geste:

jeudi 6 octobre 2011 11h41 Lecture sélective pas innocente (France Marcotte, abonnée)

 

D’abord, c’est assez remarquable de voir des chercheurs sortir ainsi sur la place publique, un geste qui n’est certainement pas à décourager.
Et puis, l’existence de cet organisme, l’Association science et bien commun, n’est-elle pas assez surprenante, réjouissante.
Dans son commentaire, choisit comme commentaire du jour (on suppose donc que le Devoir l’approuve, du moins l’apprécie), M.St-Cyr dit: « Le développement scientifique et technique l’est trop (sérieux) également pour qu’on le laisse aux seuls chercheurs. »
Mais il ne s’agit pas que de cela et c’est ce qui est particulier dans cette sortie des chercheurs. « L’accès à la connaissance est un préalable, ce qui suppose des stratégies d’accessibilité et de lutte contre la pauvreté. La commercialisation des résultats de la recherche restreint l’accès à la connaissance… », disent-ils. « Il n’y a rien dans vos propos (à M.Quirion), jusqu’à maintenant, sur l’ancrage de la science publique québécoise dans la société québécoise et sur sa capacité à éclairer les enjeux du bien commun (environnement, équité sociale, diversité culturelle, etc.). »

vendredi 7 octobre 2011 01h10 Le pendule (Dr Tournesol)

 

Le sujet abordé est d’une importance démesurée par rapport à la place qu’on lui accorde ici. Le financement ou non d’un thème de recherche ou le financement ou nom d’un chercheur de talent peut représenter des retards sociétaux de plusieurs décennies. Compte tenu des présents enjeux environnementaux, il m’apparaît primordial que notre pays dispose d’une élite intellectuelle compétente et libre, en mesure d’éclairer élus et citoyens sur ce monde qui nous entoure tous. L’assujettissement (l’abêtissement?) de la science par oligarchies et lobbys industriels interposées pourrait être, à terme, fatal car ce terme pourrait se compter également en décennies. Comme plusieurs sur cette tribune, j’opte pour un retour du pendule: une université libre et académique, emplie d’esprits lucides capables d’élaborer une recherche pertinente au bien commun, et par conséquent, sans association à l’entreprise privée. Vraiment, le jeu en vaut la chandelle; qu’elle soit parallèle ou non, cette université, il faut rapidement la constituer. Quant au scientifique en chef, il devrait constituer, non pas une vanne à sous, mais le digne porte-parole de l’ensemble des chercheurs, capable de porter en haut lieu ce qu’il y a de plus subtil comme du plus rude, à la fois de ce qui les anime comme de leurs avancées. La science mérite le plus immense respect. Comme il fut dit il y a quelques siècles déjà: Sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme.

Cependant, il se trouve bon nombre de personnes qui partagent plutôt le point de vue qui suit, ce qui justifie tout à fait la pertinence de créer une association telle que la nôtre:

Jeudi 6 octobre 2011 10h59, La réalité existe, Yvan Dutil

Personnellement, j’ai fait de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée dans le milieu académique et dans le milieu industriel, en science naturelle, en génie et en sciences sociales. Je fais de la vulgarisation scientifique depuis plus de 20 ans et je participe activement comme scientifique aux débats sociaux. Je prétends donc avoir une vision assez large de la place de la science dans la société.
S’il me semble évident que l’on met trop d’emphase sur les applications de la recherche chez les organismes subventionnaires, il est aussi évident que l’idée même de la recherche est essentiellement inconnue dans plusieurs industries au Québec. Il est aussi très clair qu’en sciences naturelle ou appliquée la compétition est féroce, car tout le monde partout sur la planète creuse dans le même trou. Il est aussi évident que les chercheurs dans le domaine de sciences humaines ont beaucoup de mal à concevoir qu’il existe une réalité objective qui n’est pas une construction sociale. Il sont aussi totalement ignorant du niveau de complexité de la science moderne, lorsqu’ils tiennent leur discours sur la science citoyenne.
Pour cette raison, je suis maintenant très pessimiste sur l’utilité de la participation du scientifique sur la place publique. Il suffit de regarder les « débats » sur les changements climatiques, l’évolution, le Big Bang, les énergies nucléaires, éoliennes et solaires, les champs magnétiques et les vaccins. Même si la preuve scientifique est énorme, cette information est tout simplement rejetée comme faisant partie d’un grand complot. Les demi-vérités, les sophistes, voire les mensonges sont les principaux outils intellectuels sur la place publique.